j'ai vu une fille aujourd'hui
qui m'a montré que je n'étais pas mort
je l'ai vu dans ses yeux effleurant les miens
je l'ai vu dans son sourire si beau
qu'il paraissait etre né
avoir grandi et marché jusqu'ici
pour me plaire
pour que se gonfle ma poitrine
pour qu'enfin mon corps et mon âme
se retrouvent d'accord dans la même direction
le même élan interieur
mais je n'ai pas bougé
j'ai un peu souri
ma bouche ne disait rien et laissait parler mon regard
furtivement posé sur sa bouche
comme au bord d'un gouffre où si on se retenait pas
on plongerait avec delice
au fond il fait chaud
au fond il y a l'oubli
au fond
le repos
alors j'ai sorti une ligne déroulée sur un papier
un bout de moi posé là
que j'ai tendu et qu'elle a pris
le gardant en main ne sachant quoi faire
et elle est partie
accrochant un sourire sur ma joue
j'ai pensé à elle toute la nuit
j'ai serré dans mes bras son image vivante
et je sentais déjà m'envahir sa douceur
je n'étais plus triste
à croire que même si on en doute
Paris finit toujours par accoucher devant tes yeux
de ce qui n'existait pas
ce qui n'existait plus
et là comme çà en un instant
tout peut recommencer
ça ne s'est pas passé
mais ça aurait pu
j'ai pensé à elle plusieurs jours
et son mage se troublait
envellopant ses yeux sombres
d'un brouillard éclatant
je ne savais plus si j'avais rêvé
pince moi
je suis retourné au bar
et j'ai attendu
sûr qu'elle ne reviendrait pas
juste pour voir si moi j'y croyais
mais je ne sais plus
j'ai bien trop envie d'y croire pour que ce soit vrai
et puis elle n'est pas là et puis elle s'en fout
elle est chez elle avec son mec
à pas avoir besoin d'un toxicomane pestiféré
pour lui apprendre la mort avant l'age
et du coup je me demande
qui pourrait avoir besoin de moi
sur cette terre de merde
il n'y a plus que des boites pour chiens
dans les rayons vides de mon supermarché aux éspoirs
et même si elle débarquait d'un coup
venir respirer dans mon cou
y accrocher ne serais-ce qu'une attente
à mes levres pendantes
et que jamais ses yeux attentifs se détournent de moi
et que je me laisse aller
à oublier qui je suis
et l'impasse au bout du carcan
ce serait le premier mensonge
la premiere faiblesse
le premier grain de sable dans la capote
croire est toujours la premiere erreur
tendre la main
c'est comme poser sa tête sur le billot
vouloir aimer
c'est tendre la peau pour que le fouet la déchire
jee le sais
je devrai lui dire
sauve-toi petite
si je te grappine tu vas en prendre plein ta gueule
alors ça me fera mal aussi
je ne sais plus
si je suis un ange ou un salaud
tout se melange
il n'y a plus que sauver sa peau
se débattre et écarter les bras pour pas se noyer
ce matin en ouvrant les yieux sur le plafondj'ai pleuré
j'avais soif d'amour
j'ai bu mes larmes
le mouvement perpetuel
je revois cette fille
son teint pâle
ses yeux noirs et ses cheveux d'un coté hop de l'autre
eclairant ses tempes aux regards
pour qu'ils glissent mieux dans son cou
je revois cette fille comme si c'était hier
et je sens encore tout mon corp à retenir
de se projeter contre elle
alors je retourne là-bas chaque soir
en espeérant la revoir
juste savoir
si c'est elle qui me manque à ce point
que j'ai envie de hurler dans ce bar
où je connais tout le monde et surtout personne
je me sens criblé d'une ferraille brulante
qui brule mon âme et consume mes espoirs
à mesure que mon verre se vide
et mes yeux cherchent l'ultime muleta
celle qui rigole pas
avec planquée derriere
la mort sure éffilée
gracieuse comme une gazelle
et froide comme son silence
et j'ai tellement mal que j'attend
la cascade d'estoquades
qui lavera mon corps des souillures de l'echec
mais je ne suis qu'un chien qui se prend pour un toro
et les habits de lumieres ne tireront jamais gloire
à me faire toucher terre
ni une ni deux ni trois passes
et encore moins le coup de grâce
et la fanfarre de fantômes a remballé ses violons
d'ailleurs y'en a jammais eu
dans ce genre de piege à cons
alors j'y suis retourné
mais je n'attendais plus
au Tourtour j'ai retrouvé ma guitare
qui elle m'attend tout le temps
et seul dans le théatre à cinq heures du mat
j'ai chanté pour les fauteuils
si cette fille avait été là
je lui aurais fais la totale
sorti le grand jeu rien que pour elle
et ça aurait fini les yeux dans les yeux
dans le pourpre de la salle
peut-être que j'aurais tendu sa main vers sa joue
peut-être que ses yeux une seconde se seraient fermés
en signe d'abandon
pour se rouvrir sur moi
accompagnant
le cadeau de sa bouche
surement que j'aurais eu peur déjà
que la vie me la reprenne de suite
qu'encore une fois l'instant soit vain
pour demain
ça aurait été beau putain
mais c'est seul que je dors
sur la scene du Tourtour
et sur mon lit de fortune
je rumine la misère d'amour je coupe les phares
et je reste là dans le noir à chanter à capella
l'histoire sans fin
de l'homme qui attendait quelqu'un.
......................................................Paris 92.