Je veux dire des choses, c'est le moins
que je puisse, dire des êtres c'est trop long.
Je vais à la pêche aux images, là je
vois des rochers, une digue et la mer qui vient faire son flop flop
dessus, elle est verte, élancée de vagues et puis un ciel changeant
de gris l'accompagne et je suis seul comme un sale gosse, y'aurait pu
avoir du monde autour de moi, des gamins mal grandis, tous fluets et
véloces, fort en cris de joies quand le vent les décoiffe en
malpoli qu'il est d'une liberté grande.
Mais non seul je suis c'est plus poète,
j'aurai pu aussi voir une femme à mes côté presque effacée telle
que je la connaîtrais tant, elle serait jolie mais tant standard de
beauté, et tranquille qu'elle me dirait rien que je ne puisse
entendre, elle s’appellerait Catherine et aurait une capeline
beige, grande et légère comme un slogan bête.
Mais bon je serais tiède, je préfère
une chaleur de vivre venue d'un pays de révoltes.
J'aurai vécu dans une Espagne en
clandestin trafiquant des produits illicites mais moins poison que
des médicaments officiels.
J'aurai une image de cargos dans une
mer qui remue, ça fait mal au cœur mais du bien à l'âme et les
oiseaux j'en verrai ici et là parce c'est une belle vie d'altitude.
Le navire serait plutôt petit et bien
gris, un peu rouillé, déglingué comme un projet qui se frotte au
réel.
Les cabines seraient pleines d'un jaune
épais et clair comme une mayonnaise tenace.
Y'a pas de recherche dans cette absence
de décoration, on a vidé une couleur parce qu'il faut bien que cet
intérieur pâlisse de quelque chose.
L'air marin donne une force du voyage
je trouve.
Les marins, trois sont tous renfrognés
et couverts d'un pull bleu nuit qui absorbe tout cambouis avec une
profondeur douce.
Ils me parlent pas et le capitaine
reste à son poste comme un amoureux de la mer.
Ça tangue et ça roule, un navire
flotte comme il peut et encombré de marchandises dont la cale
regorge comme un tonneau prend bien du vin.
L'éclairage blafard fatigue vite
l'esprit mais comme le mal de mer me rend toute pensée floue, je
suis dans un ailleurs un peu comateux.
Je ne suis pas bien et cela ne change
rien à ma condition.
En mer penser ne sert à rien, la mer
te berce et te materne drôlement comme un enfant qui ne pourrait
être sage. Elle a un luxe de vie qui frotte ton cœur pour te le
durcir.
Je veux voir des montagnes, j'en vois,
c'est bien haut et vert, d'une nature qui capture la mélancolie.
J'ai faim de riz, en voilà bien fumant
et collant et gluant d'un bouillon rouge au goût de tomates salées.
J'aime beaucoup le riz baignant dans un jus de sauces légères et
c'est à la cuillère que je bois ce que je mange.
Je veux dormir et je ne le peux car je
crée sans sommeil.
Et puis l'agite du navire à son charme
de violences.
Je marche autour de ma table, et le
néon me crache sur le crâne sa lumière de vielleuse.
Je tourne ma fatigue pour penser à un
ciel bleu.
Je suis seul et pourtant je vais
quelque part avec du monde autour de moi qui ont des vies pleines
d'entrain du quotidien qui vous tue sans que vous vous en rendiez
compte.
Je meurt doucement, c'est bien beau !
Commentaires
Et le navire
lun, 14/07/2014 - 14:52 — FoxEt le navire avancera jusqu'à sa dernière vague... "en mer penser ne sert à rien", c'est juste une évidence de marin, un truc de vieux loup d'mer... parce qu'en mer, la nausée c'est courant... les vents salins portent les gerbes quand le navire fend les flots, les odeurs sont relents et le voyage a la grand voile en haut le coeur, hissez haut (on connaît la chanson) comme Achab et sa baleine... En mer, on n'a besoin de rien, juste de savoir qu'un port et un phare attendent quelque-part qu'un jour on vienne s'y reposer les calles... en mer, on "meurt doucement, c'est bien beau !"
au canal saint Martin
lun, 14/07/2014 - 17:06 — Vincent LAUGIERY'a des marins qui pleurent quand les quais les quittent ils ont l'âme qui voyage mais en dedans leur tripes leur disent "reste !"
Trop de monde les retienne, ils sont des oiseaux désolés qui ont trop appris à ramper pour s'envoler un jour clair même si des fois va savoir pourquoi tout les pousse à s'embarquer pour un grand large qui les noie...
jusqu'à l'estuaire
mar, 15/07/2014 - 09:00 — Foxla preuve en chanson !
mar, 15/07/2014 - 09:44 — FoxEt puis tiens....
Ils sont patibulaires dans l'estuaire...
mar, 15/07/2014 - 13:28 — Vincent LAUGIEREt le vent de l'histoire ne fait pas de sentiments, c'est toujours des déboires, c'est compliqué comme un complexe militaro-industriel et plein de gens autours pour miroiter des affaires, les marins eux ont autre chose en eux, quelque chose à fuir, quelque chose à porter dans les ports qui les verront debout sur des quais déserts du matin ou de la nuit peu importe l'heure quand le navire arrive, les oiseaux font fêtes. Y'aura toujours des crabes plantés sur des rochers pour se mazouter les pinces et des marins finissants dans la brume, le cœur cogné de gnôle et la tête à l'envers pour voir à quoi ça sert la vie...
Merci Fox pour le dessin et la chanson
"pas tibulaire mais presque !"
mar, 15/07/2014 - 13:43 — FoxC'est du Coluche ;)
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